« Quand la spiritualité épuise : le burnout spirituel des femmes leaders »

Faire tout bien. Et se sentir de plus en plus mal.

C’est le paradoxe que vivent aujourd’hui de nombreuses femmes cadres, dirigeantes, thérapeutes, professeures de yoga ou entrepreneures du sensible. Elles méditent, elles s’alignent, elles remercient.

Et pourtant, elles n’en peuvent plus, elles dorment mal, leur corps est tendu comme une corde.

Leur cœur est désert. Leur âme ? Éteinte.

Bienvenue dans un phénomène peu nommé mais largement vécu : le burnout spirituel.

Ce n’est pas de paresse qu’il s’agit ici. C’est justement d’un trop-plein de volonté, d’engagement, de discipline. Le rituel du matin, les invocations, les nettoyages énergétiques, les cercles, les oracles. Tout est là.
Mais au lieu de nourrir, cela vide.

La psychologue Christina Maslach, qui a conceptualisé le burnout dès les années 1980, rappelle que ce dernier ne touche pas seulement les métiers à haute intensité. Il naît dès qu’un investissement émotionnel devient déséquilibré, sans retour nourrissant.
Et la quête spirituelle, à force d’être hyper-maîtrisée, devient elle aussi un terrain de surchauffe. Surtout quand elle est vécue comme un devoir de plus sur la to-do list existentielle.

« Je fais tout bien… alors pourquoi ça ne va pas mieux ? »
Parce que faire bien n’est pas être bien.

femme noire pensives agenouillée et les yeux fermés

La spiritualité comme fuite : quand le corps n’a plus la parole

Certaines femmes méditent pour ne pas ressentir.
Elles invoquent le lâcher-prise… tout en s’efforçant de le réussir parfaitement.
Elles fuient l’émotionnel sous couvert de transcendance.

Une étude publiée sur PubMed en 2022 (PMID: 35066971) le confirme : les personnes en conflit intérieur avec leurs pratiques spirituelles (sentiment d’échec, dissonance, auto-culpabilisation) sont deux fois plus susceptibles de souffrir d’anxiété ou de dépression. Cela ne veut pas dire que la spiritualité est toxique. Cela veut dire que détournée de son axe corporel et relationnel, elle devient performative, coupante, desséchante.

La méditation, à ce stade, devient une carapace.

La psychologue Tara Brach, dans Radical Acceptance, l’explique clairement :

« Ce n’est pas nous qui sommes cassées. C’est la croyance qu’on doit toujours être parfaites, lumineuses, alignées… qui nous épuise. »

Le corps : ce grand oublié des éveillées

Une spiritualité qui ne revient jamais dans le corps, qui ne sait pas sentir le froid aux pieds, la boule au ventre, le cri bloqué dans la gorge, est une spiritualité d’évitement.
Et pourtant, c’est dans le corps que ça se passe.
C’est lui, l’autel. Pas Instagram. Ni le compte rendu du dernier cercle.

L’Harvard Medical School (2021) le montre : les pratiquants les plus réguliers en spiritualité sont aussi ceux qui présentent les signes les plus intenses de stress somatisé, si leur pratique est rigide ou déconnectée du corps.
Autrement dit : si vous fuyez vos tensions en invoquant vos guides, elles reviendront… par les lombaires.

L’écrivain Thomas Moore, dans Care of the Soul, propose un renversement : et si le sacré était à chercher dans l’ordinaire, dans la vaisselle, les silences, le regard d’un enfant, plutôt que dans une accumulation de pratiques extérieures ?
Ce que vous ressentez dans vos tripes a autant de valeur spirituelle qu’un mantra en sanskrit.

La pureté est une illusion : et votre corps n’est pas sale

Dans Addiction to Perfection, Marion Woodman (analyste jungienne) démonte le mythe de la femme parfaite, pure, ascendante. Celle qui n’a ni colère, ni doute, ni saignement. Celle qui ne vieillit pas, ne pète pas, ne flanche pas. Cette femme n’existe pas. Et vouloir la devenir est… épuisant.

Elle explique que la quête de perfection spirituelle peut être un mécanisme de dissociation profond : on fuit le corps, ses besoins, ses limites, au nom de l’élévation. Mais on finit fracturée, étrangère à soi.

L’American Psychological Association (2020) confirme que certaines pratiques spirituelles peuvent aggraver la détresse psychologique, lorsqu’elles servent à nier ou éviter les émotions douloureuses plutôt qu’à les traverser.

Que faire, concrètement, quand l’âme dit “stop” ?

Certainement pas refaire un stage de breathwork à 1800€ pour “remonter votre taux vibratoire”.

Voici plutôt 3 pistes radicales, simples, profondes :

1. Identifier les formes de fuite spirituelle

Quand la spiritualité devient un moyen de ne pas sentir, de se fuir, ou d’**être enfin “suffisante”… il y a alerte.
Exemple concret : ce moment où l’on se sent coupable d’avoir zappé sa pratique du matin. Ou honteuse d’avoir mangé “trop lourd” pour méditer ensuite. Ces micro-signaux indiquent qu’une rigidité s’installe.

2. Réhabiliter le corps comme autorité spirituelle

Il ne s’agit pas ici de se forcer à danser nue dans la forêt (quoique…).
Mais de commencer par écouter sa fatigue. Respirer avec ses tensions. S’allonger quand tout pousse à “tenir encore”.
Exemple : annuler une réunion sans culpabilité parce que le corps dit stop = acte spirituel de première classe.

3. Retrouver une spiritualité quotidienne, imparfaite, incarnée

Allumer une bougie en silence, sans rien attendre.

Marcher sans but précis.

Asseyez-vous dans le silence pour vous connectez à Dieu sans rien faire de plus.


Le sacré n’a pas besoin de filtre ou de fond sonore. Il se niche dans la présence.
Et il ne demande qu’une chose : que vous descendiez enfin de votre mental.

Et maintenant ?

Prenez une vraie pause. Une qui ne s’affiche pas sur les réseaux.
Touchez votre ventre. Respirez. Demandez-lui ce qu’il sent, ce qu’il attend, ce qu’il ne supporte plus.
Et écoutez-le sans vouloir corriger quoi que ce soit.

Ensuite, osez vous poser les vraies questions :

  • Est-ce que je cherche à “bien faire”… ou à me faire du bien ?

  • Est-ce que je crois encore que la spiritualité doit me rendre “meilleure” ?

  • Et si j’avais déjà tout, mais que je refusais de le sentir par peur de perdre le contrôle ?

Pour aller plus loin

Vous n’avez pas besoin d’une méthode de plus.
Vous avez besoin d’un espace sécurisé, incarné, radicalement honnête, où votre humanité est la bienvenue.
Pas pour “guérir vite”. Mais pour ralentir et vous retrouver, vraiment.

Commencez par vous offrir une pratique corporelle simple, régulière, non-performante :
respiration lente, automassages, marche silencieuse.
Puis interrogez la place de vos pratiques : vous soutiennent-elles… ou vous surchargent-elles ?

Et surtout : cessez de croire que votre lumière se mérite.
Elle est déjà là, sous les couches, sous le masque, dans votre souffle.
Il ne reste qu’à y revenir.

Écoutez mon épisode de podcast sur le sujet : #72: “ Quand l’âme dit “STOP” : le burnout spirituel”

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